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Et vous, comment faîtes-vous avec vos ados ? #3 Interview de Catherine

Aujourd’hui je vous présente l’interview de Catherine.

Catherine a 49 ans, elle est mariée et maman de trois enfants : deux garçons T. 22 ans en Master 1 STAPS et M.17 ans en Terminale et une fille D. 12 ans en 5ème.

Dans ce partage d’expérience, il est question de chagrin d’amour, de choix d’orientation et de la place du parent pour garder le lien avec son ado.

ET VOUS COMMENT FAITES-VOUS AVEC VOS ADOS ?


UAALM : Bonjour Catherine, merci de nous accueillir. Alors raconte-nous comment est l’ambiance chez vous avec trois ados ?

CATHERINE : Ca se passe plutôt bien, on n’a pas trop à se plaindre. Ils s’entendent relativement bien parce qu’ils ont 5 ans d’écart à chaque fois et chacun a trouvé sa place au sein de la famille.

UAALM : Qu’est-ce qui fait selon toi que ça se passe bien ?

CATHERINE : Je pense que c’est l’écart d’âge. Ils n’ont pas les mêmes centres d’intérêts donc il n’y a jamais eu de dispute depuis qu’ils sont tout petit. Il y a une relation plus marquée entre T et D, entre le premier et la dernière. Elle le voit un peu comme un deuxième papa à mon avis.

UAALM : Quels sont les ingrédients d’une bonne communication au sein de ta famille ? 

CATHERINE : On parle beaucoup.

Tous les vendredis soir on prend un apéritif dînatoire. Quand on n’a pas eu le temps de se voir dans la semaine c’est l’occasion pour eux de parler posément.

On parle de tout, de l’école, de ce qu’ils veulent faire, de ce qu’ils veulent s’acheter, c’est vraiment notre temps calme.

Quand il y a des problématiques qui concernent un enfant en particulier on en parle dans la voiture quand on les emmène quelque part.

Les enfants n’ont pas tous les mêmes réactions et la façon de les aborder n’est pas la même.

Par exemple T. si je l’aborde de manière trop frontale, il fera systématiquement l’inverse de ce que je lui demande. Donc il faut le laisser un peu dans son idée et deux ou trois jours après je lui reparle. Il a eu le temps de se calmer, de réfléchir et il est plus ouvert.

Parfois avec les ados, en fonction de la problématique le ton peut monter et ce n’est pas bon ni pour l’un ni pour l’autre.

Il vaut mieux arrêter la discussion et reprendre deux ou trois jours après. Parfois ça peut prendre 15 jours avant qu’il ne s’ouvre mais je ne lâche pas.

Au début ça clashait. En plus mon mari ne passait pas la semaine à la maison. Et quand on est seule avec un ado ce n’est pas facile parce qu’on ne peut pas passer le relais.

Et puis j’ai compris qu’il fallait laisser de côté et revenir plus tard.

Avec M. Ça va moins au clash, il écoute mais il ne fait pas pour autant ce qu’on lui demande. Alors on lâche prise, on est moins exigeant. Je me dis que c’est sa période « ado » et que ça va passer. Il y a des choses négociables et d’autres qui ne le sont pas.

UAALM : Quelles sont les choses non négociables pour toi ?

CATHERINE : On ne lâche pas sur ce qui représente un danger pour eux.

A cet âge là, ils se mettent en danger. Ils veulent aller jusqu’au bout de tout, ils se sentent invincibles. Donc il faut les encadrer.

On ne peut pas les empêcher parce que de toute façon si tu les empêches je sais qu’un jour ou l’autre ils vont le faire.

Par exemple, ils font des sports dangereux. On n’était pas pour mais on n’a pas le choix, on sait qu’ils vont le faire et si on ne les encadre pas ce sera encore plus dangereux donc on trouve des formations, des stages.

UAALM : Il y a une mise en danger par rapport au sport, y-a-t-il d’autres domaines ?

CATHERINE : Oui par rapport aux petites copines parce que les chagrins amoureux à cet âge ça prend des proportions démesurées.

On sent très bien qu’ils sont capables de faire une bêtise. Ils sont dans un état de détresse extrême et d’un moment à l’autre ça pourrait basculer.

UAALM : Comment avez-vous géré ce chagrin d’amour ?

CATHERINE : C’est moi qui intervient dans ce cas parce que je pense savoir trouver les mots, le réconforter.

Et même si à 22 ans il paraît grand, on le prend quand même dans les bras parce qu’il a besoin de réconfort, on parle, on relativise.

UAALM : Quel message fais-tu passer dans ces moments là ?

CATHERINE : Que ça ne sert à rien de se foutre en l’air pour des bêtises comme ça, qu’il y en aura d’autre.

Ma grand mère disait toujours « petit enfant petit problème, grand enfant grand problème », je comprends bien maintenant.

Et c’est incroyable la difficulté que les enfants de cet âge ont à gérer ce type de situation. Et quand tu vois dans les journaux des enfants qui se suicident, je comprends que ça puisse arriver vite et que ça puisse arriver à tout le monde.

UAALM : C’est une épreuve qui est dépassée aujourd’hui ce chagrin d’amour ?

CATHERINE : oui ça y est, c’était il y a un an et demi.

UAALM : Qu’est ce qui l’a aidé à s’en sortir ?

CATHERINE : Le temps, les discussions et en ne le lâchant jamais jamais.

Je sentais que ça pouvait vite basculer. On ne le laissez jamais seul, même à la maison. Il y avait toujours quelqu’un pour veiller sur lui.On ne lui disait pas qu’on le surveillait et qu’on ne le lâchait pas. Mais on se débrouillait pour qu’il y ait toujours quelqu’un avec lui.

Dans ces circonstances la famille se resserre.

UAALM : Qu’est-ce que tu voudrais ajouter ?

CATHERINE : chez nous il n’y a pas de tabou, on aborde tous les sujets, la drogue, le sexe etc..

Ce sont des sujets qui sont abordés à l’école donc c’est plus facile pour nous d’en reparler.

Je leur ai expliqué les maladies qu’ils peuvent contracter et l’importance de se protéger.

Parler de la drogue c’est assez facile parce qu’ils se rendent compte des dégâts que ça peut faire.

L’alcool c’est plus difficile. On a essayé de les préserver au maximum mais on se rend compte qu‘il y a un phénomène de mode où les jeunes ne savent pas s’amuser s’il n’y a pas d’alcool.

Ca reste la chose difficile qu’on aborde avec eux et pour laquelle on n’a pas la maîtrise qu’on voudrait.

UAALM : Tu voudrais avoir quelle maîtrise ?

CATHERINE : Qu’ils sachent s’arrêter au bon moment, avant d’être malade.

T. Sait qu’à partir du moment où il prend la voiture il a droit à un verre et pas plus. Pour l’instant on a l’impression qu’il respecte.

Par contre, quand il ne prend pas la voiture ça peut déraper. Dans ce cas là, il reste dormir sur place ou il dort dans la voiture.

UAALM : Comment gérez-vous les écrans avec vos ados ?

CATHERINE : Déjà il n’y a pas de télé branchée en permanence. On a juste un écran qui n’est pas dans la pièce principale. On n’a pas de jeux vidéos. Ils en ont eu un peu, plus jeune parce que, comme les copains ne discutaient que de ça à l’école, eux se sentaient un peu en retrait. Donc on a cédé et finalement ils y ont très peu joué. Peut être parce qu’ils l’ont eu tardivement et qu’ils avaient d’autres centres d’intérêts.

UAALM : Ont-ils un téléphone ?

CATHERINE : oui ils ont un téléphone T. l’a eu à 16 ans, M. et D. à 11 ans à cause des difficultés de transport que nous n’avions pas avec T parce que nous habitions plus proche du collège. Et au niveau de la fratrie je me rends compte que c’est mieux d’avoir un téléphone plus tard parce qu’ils sont plus accros quand ils l’ont plus tôt.

UAALM : Comment gèrent-ils leurs écrans ?

CATHERINE : T. S’en sert pour communiquer avec ses copains, il va faire un petit jeu mais il n’est pas attaché à un jeu type Fortnite.

M. Est plus accro au téléphone. Il fait tout avec son téléphone, il cherche ses cours de guitare, ses films de montagne. Il doit faire quelques jeux aussi mais c’est pareil, il n’a pas d’addiction au jeu.

Et D. Elle est encore dans les interdits parce qu’elle est trop jeune. Elle doit communiquer avec les copines quand elle rentre du collège et à un certain moment, après le goûter, je lui demande de laisser le téléphone pour faire ses devoirs. Et le soir le téléphone n’est pas dans la chambre.

Pour T et M le téléphone est dans la chambre le soir mais pour M ce n’est pas exclu qu’on lui reprenne le téléphone le soir.

UAALM : Les garçons se couchent-ils plus tard du fait d’avoir droit au téléphone dans la chambre ?

CATHERINE : T. Se couche tôt parce qu’il a beaucoup de sport à faire et s’il se couche tard il sait que le lendemain il ne tiendra pas. Il a très bien compris depuis 4 ans ce qu’il veut faire dans la vie et il est motivé.

M. Est encore dans l’incertitude. Même s’il sait ce qu’il va faire, il n’est pas très motivé pour passer son bac et il a tendance à se coucher plus tard. C’est pour ça qu’il n’est pas exclu qu’on lui retire son téléphone, on attend le résultat du 1er trimestre.

Je pense qu’ils n’ont pas à subir tout ce qu’il se passe à la télé. Les informations sont très anxiogènes et je trouve que c’est déjà suffisamment compliqué l’adolescence sans les rendre en plus inquiet de ce qu’il se passe dans le monde. Non pas qu’ils soient fermés parce qu’on en parle. Mais on en parle entre nous, avec nos mots, en dédramatisant ou au contraire en les rendant vigilant sur ce qu’il peut se passer.

UAALM : Quelle place prenez-vous avec ton mari, dans la scolarité de vos enfants ?

CATHERINE : ça dépend des enfants.

T. Avait plus de difficultés donc on été plus présent pour lui. Le soir on vérifiait ses devoirs, on le faisait réciter, on l’aidait. On a fait ça jusqu’en seconde donc assez tard. Il a redoublé sa seconde. Il aurait pu passer en 1ère mais ses résultats étaient très justes. Nous lui avons laissé la décision en lui donnant notre avis sur les pour et les contre. Il a choisi de redoubler. A partir de là il a pris sa scolarité en main et il n’y a plus jamais eu de problème. Les résultats étaient super bons, il a pris confiance en lui. 

UAALM : Quand vous l’aidiez au collège, quelle forme prenait votre aide ?

CATHERINE : il avait du mal à comprendre l’énoncé des exercices mais une fois qu’il avait compris ça allait. Parfois le soir, ça pouvait durer longtemps, 1h30 à 2h .

M. Il a plus de facilité mais il est fainéant. Là il est dans une phase où il fait juste ce qu’il faut. On essaye de le pousser mais s’il ne le fait pas pour lui on ne peut pas lui botter le derrière tous les soirs ! Pour l’orientation qu’il a choisi, le bac n’est pas nécessaire. Mais on lui dit qu’il doit passer son bac pour être sûr d’avoir quelque chose si jamais ça ne se passait pas bien.

Pour D. Il n’y a pas de souci, ses résultats sont excellents. Elle veut toujours être au top donc elle révise volontier. Quand elle a besoin, on revoit certaines notions ensemble. On la suit de loin, mais on la suit.

UAALM : Comment les garçons ont-ils fait leur choix d’orientation ?

CATHERINE : Pour T. Ça s’est fait naturellement. On ressent un peu les choses pour nos enfants, vers quoi ils vont aller. Pour T. on a toujours su qu’il ferait quelque chose avec les enfants parce qu’il a un bon contact avec eux. Et comme il aime le sport et qu’il aime montrer aux autres, enseigner, diriger, son choix s’est fait naturellement. Aujourd’hui, il est très content de sa voie, ça va être un très bon prof de sport !

Pour M. c’était plus compliqué, il se posait beaucoup de questions. Et puis ils leur mettent beaucoup la pression à partir du collège, ce n’est pas bon du tout. Je pense que ça l’a beaucoup inquiété.

Nous avons donc fait appel à une coach pour l’accompagner. On savait qu’il avait des talents artistiques mais on ne savait pas bien si ce serait dans la cuisine, la peinture, le bois. Il n’est pas intéressé par les grandes études. Par contre, bricoler, inventer de ses mains, là oui.

Il a fait 10 séances de coaching en classe de 1ère. Ca l’a aidé à décider qu’il voulait se diriger vers la menuiserie. C’est un investissement financier le coaching mais si on ne l’avait pas fait, il serait encore à chercher, à se demander ce qu’il veut faire. Au final ça l’a beaucoup rassuré et ça lui a apporté une certaine sérénité. 

UAALM : Avez-vous des règles au niveau de leur vie sociale ?

CATHERINE : Pas de sortie en semaine. Les sorties sont autorisées le week end et pas tous les week end, pour qu’ils soient en forme le lundi. Et tant que les devoirs ne sont pas fait, pas de sortie ! Finalement ils sortent peu. C’est souvent entre copains dans le village.

UAALM : Au niveau argent de poche, comment faîtes-vous ?

CATHERINE : Il n’y a pas d’argent de poche.

Il n’y a que T. Qui a de l’argent de poche depuis qu’il a la voiture donc depuis ses 18 ans.

En fait, quand ils ont besoin, ils nous demandent. Alors, oui ils demandent mais le budget n’est pas illimité et ils sont trois. Par exemple M. Voulait se racheter des skis, donc on a dit ok mais déjà tu revends les anciens, ça fera déjà un budget, nous on en mettra une partie et l’autre partie c’est toi. Et puis là il voulait aller voir un concert, je lui ai dit non parce qu’avec les skis ça faisait déjà un budget donc pour ce mois-ci c’est suffisant.

UAALM : Au niveau vie amoureuse, autorisez-vous les petits (es) amis(es) à la maison ?

CATHERINE : Oui on autorise. Ca ne sert à rien de ne pas autoriser parce qu’ils le feront ailleurs, pas au bon endroit, pas comme il faut. Donc oui, ils sont ici.

UAALM : Avez-vous des rituels en famille ?

CATHERINE : On organise un apéritif tous les vendredis soir. On joue à des jeux, jeux de société, jeux de cartes. On prend les repas du soir ensemble. Je leur fais mettre la table et on a un système de plateau pour débarrasser, c’est comme à la cantine ! Chacun à son plateau et débarrasse son plateau, tout le monde participe comme ça. Et puis on fait des randonnées ensemble.

UAALM : As-tu un conseil à donner aux parents d’ados ?

CATHERINE : Je pense qu’il ne faut pas se braquer avec eux. Quand il y a conflit il faut laisser et revenir un peu plus tard en discutant, en s’intéressant à eux. Ne pas être toujours dans la réprimande. Il faut leur montrer qu’on s’intéresse à leur vie, à leurs petits problèmes. Il ne faut pas penser qu’à soi.

Si on ne s’intéresse pas à leur monde, on s’éloigne d’eux et on n’arrive plus à re-rentrer dans leur vie. Donc c’est important de garder le lien.

UAALM : Quel est le message que vous voulez faire passer à vos enfants ?

CATHERINE : Savoir se comporter en société. C’est essentiel. Les règles pour se tenir à table ce sont des choses importantes parce que si déjà il n’y a pas ça, en société, je me dis ils ne savent pas non plus se tenir. Aujourd’hui on peut les emmener partout et il n’y a pas une seule fois où je vais être gênée par leur comportement. Si on réussit ça pour les trois, ce sera super.  


Je remercie Catherine d’avoir partagé avec nous l’intimité de sa vie de famille avec autant d’authenticité.

Si vous aimez ces partages d’expériences de parents, je vous invite à lire l’interview d’Estelle et l’interview de Florence.

Et chez vous, qu’est ce qui fonctionne bien avec vos ados ?

Si vous aimez, partagez !

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