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Et vous, comment faîtes-vous avec vos ados ? #4 L’interview de Maud

Aujourd’hui je vous invite à découvrir l’interview de Maud.

Maud, 45 ans, est maman trois grands ados issus d’un premier mariage (Elise 21 ans, Sébastien 18 ans, Nathan 16 ans) et d’une petite dernière, Emma, 8 ans issue de son mariage avec Alexandre.

Elise est en Licence gestion hôtelière de Luxe en alternance au Plaza Athénée à Paris.

Sébastien lui est en BTS mécanique automobile en alternance dans un garage, et Nathan en 2nde Bac pro gestion du milieu naturel et de la faune. 

Dans cette interview, nous évoquons les choix d’orientation, la difficulté de trouver sa place dans le cursus scolaire « classique » et le quotidien que peut vivre une famille recomposée.

ET VOUS, COMMENT FAITES-VOUS AVEC VOS ADOS ?


UAALM : Bonjour Maud, Merci de me recevoir chez toi. Raconte nous comment se passe le quotidien avec tes ados ?

MAUD : Chez nous, je pense que c’est spécifique à la recomposition de la famille, mes enfants sont très très autonomes. Ils vivent beaucoup dans leur chambre. Nous nous retrouvons au moment des repas le soir et le weekend.

Mes fils me racontent leur petites anecdotes, leurs envies, leurs délires soit pendant que je prépare le dîner ou alors après le dîner. Ce sont deux moments privilégiés.

Pendant le dîner, les discussions se font plutôt entre Sébastien, mon mari et Emma. 

Nathan est très introverti, il parle moins à table. Il parlera plus avec moi après le dîner parce qu’il n’y aura pas son beau-père, il ne s’entend pas très bien avec lui.

UAALM : De quand date la recomposition de la famille ?

MAUD : C’était il y a 12 ans

UAALM : Comment communiques-tu avec tes ados ?

MAUD : Je fais rarement la démarche d’aller vers eux. Ce sont toujours eux qui ont quelque chose à dire. Ca n’a pas toujours été le cas. Sébastien a commencé à plus se confier quand il est entré au lycée. 

Le collège a été hyper compliqué. J’ai deux garçons dyslexiques et nous avons vécus des moments difficiles.

Sébastien a été diagnostiqué dyslexique en 4ème. Avant le diagnostic les professeurs avaient décrétés qu’il était fainéant.

On a fini par faire des tests neuropsychologiques et on s’est rendu compte qu’il compensait énormément. Et comme il avait un raisonnement très avancé pour son âge, les profs disaient “il est très intelligent mais il n’en fait pas une”. Alors que c’est un enfant qui travaillait énormément à la maison.

Donc il était beaucoup plus refermé sur lui et à ce moment malheureusement c’est l’école qui accaparait toutes nos conversations.

A partir du moment où on a lâché l’affaire, qu’on a compris qu’il était dyslexique, et qu’on a réussi à avoir de l’écoute au collège, moi je ne me suis plus du tout occupé de ses études.

UAALM : Est-ce que ça a changé quelque chose dans ses résultats scolaires ?

MAUD : ce n’était ni mieux ni moins bien mais en tout cas il était mieux dans ses baskets.

Il savait déjà ce qu’il voulait faire en 4ème, prothésiste dentaire, parce que l’une de nos amie fait ce métier, il avait fait un stage. Et comme il est très manuel ça lui avait beaucoup plu.

Sauf que la seule école de prothésiste dentaire est à Lyon et ils ne prennent en priorité que les gens dans la couronne lyonnaise. Donc il n’a pas été pris.

En 2ème choix il a choisi un bac pro automobile parce que depuis toujours c’est un fan d’automobile. Il a eu son bac pro, il est maintenant en BTS.

UAALM : Le sens-tu épanoui ?

MAUD : c’est un passionné, il a énormément de connaissances donc il est au bon endroit.

Sauf qu’il s’ennui. Moins à l’école cette année parce que le niveau est monté, mais au garage il a toujours quelque chose à redire sur la façon de ranger les outils par exemple. Et comme il est juste alternant, il se sent frustré de ne rien pouvoir faire pour améliorer la situation.

Je crois qu’il fera soit de la restauration de voiture soit de la préparation de voiture de courses mais à mon avis il ne restera pas dans un garage.

Il se rend compte qu’il a du potentiel pour continuer à évoluer.

UAALM : Pour revenir à la communication, es-tu satisfaite de la communication avec tes enfants ?

MAUD : Je suis heureuse comme ça. Ils ont leur monde intérieur et ils discutent moins que les filles.

Moi ça me va bien parce qu’être intrusive ça n’apporterait rien.

Et quand ils ont besoin ils sont capables de se dévoiler, de me confier des choses.

On n’a pas besoin de se dire beaucoup de chose pour être dans des degrés d’intimité très très forts. Ils savent qu’ils peuvent compter sur moi quand il y a un problème.

UAALM : C’est quoi pour toi le secret de ce lien que tu as créé avec tes enfants ?

MAUD : je crois que c’est parce qu’on a vécu des moments difficiles. Il a fallu reconstruire cette famille et c’était compliqué.

Je leur ai toujours fait comprendre qu’on peut tout le temps évoluer et apprendre. Qu’on est en construction permanente. Chaque fois qu’ils se sont posés des questions sur leur capacités, leur potentiel, on a exploré ensemble. Ils savent qu’ils ont le droit à l’erreur. 

Pour Nathan en 4ème on a frôlé la déscolarisation parce qu’il était très déprimé à l’idée d’aller à la l’école.

Il a fallu aller voir la CPE et la psychologue scolaire pour expliquer que l’école ce n’était pas son truc. L’idée c’était qu’on ne lui mette pas la pression parce qu’il était hyper anxieux.

Déjà il ne côtoyait plus ses amis, il ne les trouvait pas solidaires, pas bienveillants. Il était malheureux de cette situation.

En 3ème tout a changé, il a choisi la section dans laquelle il voulait aller : une “classe défense” en partenariat avec le ministère de la défense. Ils avaient un projet dans lequel ils travaillaient sur la paix. Ils ont eu des échanges avec les militaires pour comprendre à quoi servent les militaires pour faire la paix et ils ont construit un exposé sur “comment fait-on la paix ?”

Les élèves étaient motivés, ils avaient dû faire une lettre de motivation, un dossier de candidature pour intégrer cette classe. C’était une classe un peu à part avec des élèves plus matures et là il était bien.

UAALM : Quand vous êtes allés voir le personnel du collège quand ils ont été diagnostiqué dyslexique est-ce qu’ensuite ça s’est mieux passé ?

MAUD : Oui carrément. Pour Sébastien c’est sa prof d’histoire, qui était aussi sa prof principale, qui a vraiment fait comprendre aux autres profs qu’il avait un super potentiel mais qu’il n’était pas utilisé.

Nathan, lui, a été suivi par une psychologue et au bout de 3 séances déjà il avait repris un peu d’estime de lui-même.

Moi le discours que j’ai eu avec lui c’était de dire “on n’est pas obligé de tous fonctionner de la même façon. Tu fonctionnes différemment et toi l’école ne te convient pas. Elle ne te convient tellement pas que tu ne l’aimes pas. Donc on va aller dire à tout le monde que tu n’aimes pas l’école. Assume, vis le. Tu es en droit de détester l’école, tu es en droit de faire autre chose il n’y a pas que le bac général. Tes choix sont les tiens et ce sont les bons.

UAALM : Comment se sont passés les choix d’orientation de tes enfants ? J’ai souvent des retours de collégiens qui sont inquiets au sujet de leur orientation, comment c’était pour tes enfants ?

MAUD : Je pense qu’effectivement c’est source d’angoisse et en même temps je pense que c’est à nous parent, de temporiser et on ne met pas sa vie en jeu quand on choisi son orientation. 

A partir du moment où ils ont une passion c’est beaucoup plus facile. Donc nos discussions portaient surtout sur ce qu’ils aimaient faire, l’environnement dans lequel ils aimeraient évoluer.

Sébastien a appris l’anglais sur internet en regardant des vidéos de mécanique sur des sites américains, il a appris tout le vocabulaire de la mécanique en anglais ! Il n’a jamais rien pu apprendre à l’école. Et en seconde, il avait un niveau de malade !

Nathan a fait son choix par rapport à l’environnement. Il était hors de question pour lui d’aller dans un grand lycée. Et ensuite, il ne se voit pas travailler à l’intérieur. Il a besoin d’être en harmonie avec ce qui se passe autour, de vivre au ralenti.

Donc il se projetait plutôt dans la nature. On a fait les portes ouvertes du lycée horticole qui dépend du ministère de l’agriculture. Maintenant il est devenu ambitieux. il veut entrer à l’école des jardins de Versailles.

Elise a passé un bac ES. Elle s’est rendue compte qu’elle a fait un bac général pour rien parce qu’elle était motivée par l’école hôtelière. 

UAALM : As-tu étais surprise de son goût pour l’hôtellerie ?

MAUD : non parce que je viens d’une grande famille où on reçoit beaucoup, j’ai un beau-frère traiteur, un cousin directeur d’un grand hôtel etc… on est dans l’habitude de la table, de l’accueil. Elise est quelqu’un de très carrée, très organisée, elle aime prendre les choses en main. Aujourd’hui, elle adore ce qu’elle fait.

UAALM : tu dis qu’elle a fait un bac général pour rien, mais était-elle assez mûre pour faire ce choix plus tôt ? Ne fallait-il pas qu’elle en passe par là pour pouvoir faire ce choix ?

MAUD : en 4ème elle voulait déjà faire de l’hôtellerie. Je pense que si son papa et moi n’avions pas fait un cursus général, peut être qu’on l’aurait tout de suite incitée à aller vers ce qui la portait. 

UAALM : Quelle place a pris ton mari avec tes trois premiers enfants ?

MAUD : Quand on est arrivé ici c’était très compliqué. Son éducation n’avait rien à voir avec celle que j’ai reçu. Moi j’ai été autonome très tôt, j’ai été élevée comme une enfant libre. Lui avait une maman qui ne travaillait pas, des parents très autoritaires. 

Il avait instauré un truc avec mes enfants : il avait fait un espèce de tableau de récompenses. Donc s’ils se comportaient bien, ils avaient des étoiles et si à la fin de la semaine ils avaient suffisamment d’étoiles ils avaient une récompense. Mais un comportement positif pour moi ne l’était pas forcément pour lui. Cela ne développait pas l’affecte.

Un enfant ne fait pas confiance s’il ne sent pas que tu l’aimes. Tu ne peux rien lui demander si tu ne l’aimes pas.

Et ça il ne comprenait pas. Il ne comprenait qu’il fallait d’abord manifester son intérêt pour les enfants et ensuite cela leur permettrait d’apporter leur contribution à la famille. Il reproduisait ce qu’il avait vécu.

UAALM : Cela a-t-il changé depuis ?

MAUD : oui par rapport à notre fille. Il s’est bien rendu compte qu’à un moment il devait lâcher sur quelque chose parce que ça ne fonctionnait pas : on ne peut pas vivre avec des injonctions en permanence, un enfant ne peut pas avoir 15 instructions en même temps.

Maintenant il me laisse faire à ma façon, moi je le laisse faire à sa façon mais avec le temps sa façon de faire se rapproche un peu plus de la mienne.

UAALM : A-t-il trouvé une place avec tes enfants ?

MAUD : Elise a essayé mais ça ne fonctionne pas. Nathan non plus ça a été très compliqué quand on est arrivé. 

Mes deux grands sont attachés à lui mais sachant très bien qu’ils ne peuvent pas attendre de lui. Il ne sait pas faire. 

UAALM : Qu’est-ce qui selon toi fait que la vie de famille peut bien se passer ?

MAUD : Lâcher l’envie de rendre tout le monde heureux. Accepter que certains soient malheureux de la situation et que ça ne dépend pas de toi. Moins tu as d’attente moins tu as de déception. Prendre les choses au jour le jour comme elles viennent. Arrêter de se comparer à ce qu’on devrait être par rapport aux modèles qu’on nous vante. 

UAALM : Le message que tu veux transmettre à tes enfants ?

MAUD : Déjà qu’ils sont libres et qu’ils ont toutes les ressources en eux. Je leur fais 100% confiance. Et puis qu’ils apprennent toute leur vie. Quand Sébastien n’est pas bien je lui dis “tu n’es pas bien parce que tu as repéré qu’il y a quelque chose qui ne correspond pas à tes valeurs, tu as mis le doigt dessus c’est bien, continue !” Moi je trouve qu’ils ont beaucoup d’avance par rapport à moi !


Je remercie Maud d’avoir partagé avec nous son quotidien avec ses ados.

Si vous aimez ces partages d’expériences je vous invite à lire le témoignage de Florence, d‘Estelle et de Catherine.

Et vous, comment faîtes-vous avec vos ados ?

Si vous aimez, partagez !

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