Mon ado est harcelé – Qu’est-ce que je lui dis ? Conférence Emmanuelle PIQUET
Votre ado va mal, il est renfermé sur lui-même, il ne veut plus aller en cours et ses résultats sont en baisses.
Votre ado est harcelé, peut-être vous en a-t-il parlé à demi mot ? ou peut-être n’ose-t-il rien vous dire ?
Alors comment aider un ado harcelé ?
Quelle est notre place de parent dans ces circonstances ? Comment ne pas aggraver la situation par nos interventions ? comment faire pour que le harcèlement cesse ?
MON ADO EST HARCELÉ, QU’EST CE QUE JE LUI DIS ?
Le mois dernier j’ai eu la chance d’assister à la conférence d’Emmanuelle PIQUET “Souffrances dans la cour de l’école : mieux armer les enfants contre le harcèlement”.
Emmanuelle Piquet est psychopraticienne, conférencière et auteure de plusieurs ouvrages.
Lors de cette conférence, elle nous explique sa méthode pour outiller l’enfant harcelé et ainsi faire cesser le harcèlement.
Ce que j’aime particulièrement dans cette méthode, c’est qu’elle s’occupe avant tout de l’enfant harcelé.
En transmettant les outils adéquats à l’ado, elle lui donne les clés pour mettre fin au harcèlement et lui permet ainsi de retrouver confiance en lui.
Emmanuelle Piquet a créé « A 180 degrés » un groupe de psychopraticiens réunis dans plusieurs villes de France, en Belgique et en Suisse pour apaiser toutes formes de souffrances à l’école.
Je vous livre ici ce que je retiens de cette conférence.
Et si vous en avez l’occasion, je vous invite vivement à assister à la conférence d’Emmanuelle Piquet. Voici un lien vers son TedX.
Cette femme est extraordinaire par la justesse de ses propos, son authenticité et son humour.
Emmanuelle Piquet sait parler du sujet du harcèlement avec juste ce qu’il faut d’humour pour faire passer son message.
LE HARCÈLEMENT C’EST QUOI ?
Le harcèlement est un ensemble d’actes, de comportement, d’écrits ou de propos qui, par leur répétition et leur caractère dégradant, contribuent à nuire psychologiquement ou physiquement à la personne qui en est victime.
Il est le fait d’une ou plusieurs personnes, contre quelqu’un qui ne peut pas se défendre.
Les trois caractéristiques du harcèlement :
- la violence : un rapport de force et de domination entre les personnes
- la durée : ce sont des agressions qui se répètent pendant une longue période
- la fréquence : ce sont des agressions qui se répètent fréquemment
Le harcèlement scolaire peut prendre plusieurs formes : violences physiques, humiliations, mises à l’écart, moqueries, propagation de fausses rumeurs, cyber-harcèlement.
QUEL EST LE PROFIL DU HARCELE ?
Et bien il n’y en a pas.
Contrairement à une idée reçue, ce n’est pas parce qu’il est roux, gros, petit ou mal habillé qu’un enfant est harcelé.
“Ce qui déclenche le harcèlement ce n’est pas la différence, c’est la vulnérabilité et la peur”.
Or les enfants ont un radar extrêmement fin pour déceler qui, à priori, peut être vulnérable.
Donc ils y vont et comme l’enfant vulnérable ne riposte pas car c’est trop difficile pour lui parce qu’il a peur alors l’enfant harceleur continu et c’est comme ça que le harcèlement se met en place.
QUEL EST LE PROFIL DU HARCELEUR ?
C’est pareil, il n’y a pas de profil type.
Ce sont souvent des ados qui ont peur de se retrouver seuls.
Généralement le harceleur a une forte capacité relationnelle, il manage son monde : parents, CPE, ses pairs.
QUELLE EST LA PLACE DES RESPONSABLES DE L’ÉTABLISSEMENT SCOLAIRE ?
De nombreuses campagnes de prévention sont faites dans les établissements et notamment au collège. Des spécialistes viennent expliquer les conséquences pénales, et les conséquences psychologiques que le harcèlement peut entraîner.
Et c’est très bien ! Les harceleurs ne se rendent pas forcément compte du mal qu’ils font.
Généralement, quand un cas de harcèlement est identifié dans un établissement les harceleurs vont être sanctionnés.
Le problème c’est que parfois les harceleurs se fichent pas mal d’être sanctionnés, c’est même un gage de popularité ! Et parfois cela n’a aucun effet dissuasif.
Pire encore, c’est une affirmation par le comportement de l’adulte que le harcelé est une victime de choix puisqu’il ne sait pas se défendre sans l’aide des adultes.
Le harceleur devient plus stratégique, moins visible pour ne pas se faire prendre à nouveau.
QUELLE PLACE PEUVENT PRENDRE LES PARENTS ?
Naturellement nous voulons défendre nos enfants contre le harcèlement et Emmanuelle Piquet nous explique que parfois, sans le vouloir, nous aggravons la situation.
Quelques exemples :
- nous allons directement voir le harceleur,
- nous allons voir le parent du harceleur. Dans ce cas, le conflit remonte au niveau des parents et comprenez bien qu’un parent acceptera difficilement d’entendre que son enfant est harceleur. Et comme le harceleur sait manager son monde il trouvera les arguments pour expliquer à ses parents qu’en réalité c’est la faute du harcelé.
Dans ces deux cas, nous envoyons comme message à notre ado qu’il n’est pas capable de se défendre tout seul. Cela le rend vulnérable et le problème ne peut être réglé de manière pérenne.
- nous disons à notre enfant de ne pas écouter et de faire comme s’il n’entendait pas. Imaginez comme cela peut être douloureux pour un enfant de faire “comme si” alors qu’il ne peut pas ne pas entendre ni voir ce qui se passe.
- nous changeons notre ado d’établissement. Mais notre ado sera-t-il moins vulnérable dans un autre établissement ? pensez-vous qu’il existe des établissements “gentils” ? Généralement, cela ne fait que repousser le problème parce l’ado n’a pas appris à se défendre.
ALORS COMMENT AIDER NOTRE ADO ?
LA RÈGLE D’OR DU 180 DEGRÉS PROPOSÉE PAR EMMANUELLE PIQUET
Ce que j’aime dans la méthode proposée par Emmanuelle Piquet c’est qu’on va s’occuper de l’ado harcelé.
Comme pour les arts martiaux, l’idée est de se servir de la violence de l’autre pour la retourner contre lui.
Cette méthode propose d’apprendre à l’ado à répondre au harceleur pour le déstabiliser, le faire descendre de son piédestal.
Mais pas n’importe comment.
Il faut prendre le temps de réfléchir à la situation, de bien observer l’agresseur pour retourner sa méchanceté contre lui c’est ce qu’elle appelle “l’effet boomerang”.
Savoir faire ça c’est vraiment fort et ça lui servira toute sa vie !
LA METHODE
- analyser tout ce qui a déjà été fait pour résoudre le problème et qui l’a aggravé
- ensuite, trouver s’il y a un point commun entre toutes ces solutions qui n’en sont pas puisqu’elles aggravent le problème,
- Enfin, trouver quelque chose qui aille exactement à l’inverse de ce point commun.
Le but est d’aider l’ado à répondre à toutes les répliques possibles de son agresseur. Puis de l’inviter à s’entraîner, s’entraîner, s’entraîner devant sa glace, avec un ami, avec un parent.
L’EXEMPLE DE JEAN-PAUL
Emmanuelle Piquet prend l’exemple de Jean-Paul harcelé par Lucas et sa bande pendant les récréations.
Jean-Paul dit doucement « arrêtez », attend que ça passe, se fond dans le paysage.
Le point commun c’est « arrêtez ».
Avec la méthode 180 degré, Emmanuelle Piquet propose à Jean-Paul de répondre à Lucas suffisamment fort pour que sa bande entende « c’est toi le Ksos, tu es obligé de venir me parler pour avoir une vie sociale ».
Emmanuelle Piquet nous explique que Jean-Paul ne se sentait pas la force de répondre à Lucas, la peur le paralysait.
Elle lui a donc expliqué que c’était son choix. Soit il souhaitait ne rien faire et il est probable que la situation ne change pas. Soit il répondait et cela lui laissé une chance de faire changer les choses.
Jean-Paul a rapidement pris conscience qu’il ne pouvait plus laisser faire les choses. La situation était devenue trop douloureuse pour lui.
Ils ont donc travaillé ensemble sur les peurs de Jean-Paul : « Ok si tu dis ça qu’est ce qu’il risque de se passer ? Lucas va me répondre (…) ou alors me tirer les cheveux. Ok, dans ce cas tu pourrais lui dire (…).
Le but est de boucler et répéter, répéter jusqu’à ce que l’ado harcelé se sente suffisamment fort pour lancer sa première flèche.
Au final, c’est souvent une question de posture. Quand il a peur l’ado se recroqueville. Mais une fois entraîné, naturellement il se redresse, et regarde l’autre dans les yeux.
Des exemples de situations, Emmanuelle Piquet en propose 15 dans son livre « Je me défends du harcèlement ».
Parmi les cas présentés on retrouve Manon jetée comme un kleenex par ses copines, Dorian qu’on trouve moche et dont on se moque sous cape, Marius harcelé par son frère, Eliott par son beau-père, Mathieu par le prof de math, Salomé qu’on traite de garçon manqué, Baptiste harcelé sur Facebook etc….
ET SI MON ADO NE ME PARLE PAS, QU’EST-CE QUE JE LUI DIS ?
Quand notre ado ne va pas bien, qu’il ne veut pas parler, qu’il nous envoie sur les roses quand on lui pose des questions pour comprendre ce qu’il se passe, nous pouvons tout simplement lui dire :
“J’ai l’impression que c’est difficile pour toi, je comprends que tu ne m’en parles pas. Mais saches que si tu m’en parles je ne ferai rien sans que tu sois 100% d’accord.”
Et là, il est capital de tenir sa parole.
Ne rien faire sans que l’ado soit 100% d’accord.
DERNIÈRES CHOSES A SAVOIR
- l’amitié ne se mendie pas : on ne peut pas forcer des enfants à jouer ensemble. Emmanuelle Piquet donne des pistes dans son livre « Je me défends du harcèlement » pour les enfants qui vivent mal l’isolement.
- le harceleur prend du plaisir à harceler : il est donc nécessaire de le mettre dans une situation dans laquelle il ressent de l’inconfort. Il doit avoir la sensation qu’en continuant, il prend un risque pour sa popularité.
- on n’est pas vulnérable toute sa vie, rien n’est jamais figé. Donner à son ado des outils pour se sortir de ce type de situation l’aidera pour sa vie future tant au niveau personnel que professionnel.
- pratiquer le judo ou l’aïkido peut aider à changer de posture parce l’adolescent a moins peur de se battre et les autres le sentent.
CONCLUSION
Vous l’aurez donc compris : c’est votre ado qui a les clés en main pour sortir du harcèlement.
Notre rôle de parent est de guider, soutenir, encourager et croire dans les capacités de notre ado.
Certes, il est difficile pour un ado de combattre ses peurs, cela demande beaucoup de courage.
Et pourtant, les exemples proposés par Emmanuelle Piquet montrent que, lorsqu’on est bien préparé, que notre flèche est bien aiguisée, on finit par prendre de l’assurance et parfois cela peut suffire.
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Source : Je me défends du harcèlement – Emmanuelle PIQUET
2 commentaires
SylvieN5
Mon fils, Maxime, 9 ans, commençait a être harcelé quotidiennement par une fille de sa classe qui, ayant repéré son point sensible, s’est mise à le traiter de nain, de gnome… Alors qu’ils sont sensiblement de la même taille. J’étais déjà intervenue auprès de la maitresse au sujet de la même gamine, qui l’appelait « personne ». Cela peut paraitre rien, mais ça pesait vraiment à mon fils Elle avait arrêté, pour changer de thème quelques semaines plus tard. J’allais intervenir à nouveau quand j’ai lu « Te laisses pas faire » d’E. Piquet. On a donc préparé Maxime et moi des « flèches » pour qu’il puisse se défendre. Et là, miracle, il n’a même pas eu à les décocher. Il est arrivé confiant à l’école, lui a souri de loin d’un air de défi. Elle n’est plus jamais venu l’embêter. Comme elle le dit dans son livre, et comme tu le dis aussi Stéphanie, un enfant armé dégage une confiance en lui qui repousse les harceleurs. Je n’ai pas lu le livre dont tu parles, mais je note. C’est très inspirant d’avoir en tête les différentes méthodes qu’elle présente, cela nous permets à nous, parents, d’être mieux armés aussi pour accompagner nos enfants et nos ados 🙂 Merci d’avoir résumé la conférence, j’aurai aimé y être !
Stéphanie
Merci pour ce partage d’expérience, c’est top !